Édito : 

La pédagogie de l’Œuvre : éduquer



Le bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à la rue Saint-Savournin nous donne l’occasion de revenir sur la pédagogie que Monsieur Allemand a mise en place et qui s’est actualisée au fur et à mesure des évolutions de la société. Je vous propose aujourd’hui de revenir sur le thème de l’éducation, étant bien entendu que c’est une des missions principales de St-Sa que de faire œuvre d’éducation.


Faire grandir

Éduquer vient d’un mot latin qui évoque le fait de faire sortir, faire advenir, faire grandir, élever. Cette notion est importante car elle indique qu’il s’agit moins d’apporter des éléments extérieurs que de faire jaillir ce qui est déjà présent en germe et qui peut s’épanouir, grandir. L’image du sculpteur peut être une belle évocation de ce qu’est l’éducation: le sculpteur n’ajoute pas de la matière, il en enlève pour faire émerger la forme qui était présente au cœur de la matière, il révèle ce qui était caché pour que le beau apparaisse. Ce travail de simplification, de purification est un travail d’orfèvre qui demande beaucoup de tact, de patience, de bienveillance. Nous pouvons souhaiter que tous ceux qui prennent leur part à cette mission y soient attentifs et utilisent les outils de formation et de relecture pour assumer cette tâche au mieux.


Éduquer à la liberté

La dimension de la liberté est essentielle dans l’acte éducatif, car ceux qui sont en responsabilité peuvent avoir une forte influence sur les jeunes, et ils pourraient devenir, même à leur corps défendant, des manipulateurs. La réussite de l’éducation se mesure à la capacité que l’on a offerte à l’autre de savoir prendre les décisions qui seront bonnes pour lui, en sachant que pour cela il aura fait tout un travail de réflexion et de discernement. La liberté n’est pas seulement l’absence de contrainte extérieure qui imposerait par la force des choix, elle est aussi la liberté par rapport à nos propres réflexes naturels et parfois instinctifs, à nos pulsions, à notre ressenti qui souvent ment et devient du ressentiment… Pour éduquer une personne à la liberté il faut à la fois être à son écoute pour l’accompagner à s’écouter elle-même, à savoir voir en elle ce qui est de l’ordre du désir profond au-delà des mirages des plaisirs de surface, il faut aussi lui apporter des éléments qui donnent un éclairage et proposent un chemin d’accès au bonheur, et il faut lui donner la possibilité d’exercer son esprit critique en remettant en cause tout cela afin que la réflexion devienne véritablement personnelle et intérieure. Les parents, les éducateurs, les animateurs veulent le meilleur pour les jeunes dont ils ont la charge, mais ce meilleur ne peut être décidé pour l’autre. Il y a des conduites à risques et des impasses à éviter absolument, mais il faut accepter que l’autre, tout en étant en sécurité, fasse son expérience et trouve en lui les ressources qui lui permettront de faire les bons choix, même si ce ne sont pas ceux que d’autres auraient faits.


Éduquer par le jeu

Dans le cadre de l’Œuvre, le fondateur, Jean-Joseph Allemand, nous a proposé deux dimensions pour vivre ce projet éducatif: le jeu et la prière. Pour les jeunes, le jeu représente la vie collective dans laquelle on est en relation avec les autres. Par le jeu l’enfant apprend à vivre avec les autres, à faire équipe, à respecter l’adversaire en face de lui qui n’est pas un ennemi mais un compagnon de jeu, à respecter les règles au point de les intérioriser non comme des contraintes insupportables mais comme les conditions du vivre ensemble. C’est dans ce cadre que nous éduquons les jeunes en leur proposant une manière de vivre avec les autres basée sur le respect, l’entraide, la bienveillance, la fraternité.


Éduquer par la prière

L’autre dimension essentielle de la proposition de l’Œuvre est spirituelle. Par la prière nous invitons les jeunes à comprendre qu’ils ne sont pas des individus isolés et seuls au monde, qu’ils ont en eux un trésor qui est appelé à s’épanouir et à porter du fruit: l’amour de Dieu. C’est ce trésor qui est le fond de leur être et qui est appelé à se révéler au fur et à mesure de leur croissance pour laisser émerger ce qu’il y a de plus beau en eux. Pour reprendre l’image de la sculpture, nous croyons que toute personne est habitée par l’amour de Dieu qui prend forme en chacun d’une manière originale. Éduquer, c’est aider les jeunes à prendre conscience qu’ils ont ce cadeau en eux et qu’ils vont le partager avec les autres en inventant leur propre manière de vivre: c’est ce qu’on appelle trouver sa vocation.

Olivier 




L'Évangile du mois

L’Évangile du mois est celui du 2 février, le jour de la Chandeleur, une grande fête pour les Marseillais.


Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils l'amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur (ainsi qu'il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur) et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux petits pigeons. Or, il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d'Israël et l'Esprit Saint était sur lui. Il lui avait été révélé par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint alors au temple poussé par l'Esprit et quand les parents de l'enfant Jésus l'amenèrent pour faire ce que la Loi prescrivait à son sujet, il le prit dans ses bras et il bénit Dieu en ces termes : «Maintenant, Maître, c'est en paix, comme tu l'as dit, que tu renvoies ton serviteur car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples : Lumière pour la révélation aux païens et gloire d'Israël ton peuple».

Le père et la mère de l'enfant étaient étonnés de ce qu'on disait de lui. Syméon les bénit et dit à Marie sa mère: «Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté - et toi-même, un glaive te transpercera l'âme; ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs».

Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser. Elle était fort avancée en âge; après avoir vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve et avait atteint l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s'écartait pas du temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières. Elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l'enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem. Lorsqu'ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur,  ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. Quant à l'enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui.


Le contexte

Quarante jours après la naissance de Jésus, selon la loi juive, Marie et Joseph viennent présenter leur enfant, leur premier-né au Temple. Luc qui est le seul évangéliste à nous raconter cette scène insiste sur le respect scrupuleux des parents de Jésus vis-à-vis de la Loi. 


Deux « laïcs »

Luc présente à cette occasion deux personnages, Syméon et Anne. Ils représentent l’espérance d’Israël, cette attente résolue du Messie pour ce peuple qui patiente depuis si longtemps. Il est significatif que Luc ne mette pas en scène la présence de prêtres mais plutôt deux membres ordinaires du peuple, rempli d’Esprit Saint et fidèle dans leur attente.


Conduit par l’Esprit

Luc note à trois reprises le rôle de l’Esprit Saint dans la vie de Syméon. Il avait mentionné l’importance de la Loi au début. Comme si ce récit relatait une rencontre entre l’obéissance à la Loi et l’accueil de l’Esprit en ce Temple, lieu de la présence de Dieu.


Le cantique de Syméon

Lors de la prière de fin de journée appelée complies, les chrétiens chantent le cantique de Syméon. Il est repérable en gras sur le texte ci-dessus. On peut remarquer que le salut n’est pas limité à Israël, il englobe en fait toute l’humanité. Jésus est proclamé «lumière des nations»; Le rôle que joue Jésus sera porté après la résurrection par l'Église.


Pas de salut sans la croix

Après le cantique de Syméon évoquant la Lumière,  Syméon adresse à Marie une parole sombre qui évoque la division et la mort. Cette épée qui lui transpercera le cœur n’est autre que la Croix que devront subir conjointement Jésus et sa mère. La joie d’accueillir le Messie est mêlée à la tristesse de la Croix. Lors de son récit de la nativité, Luc avait déjà insisté sur cette réalité qui a habité les premières communautés chrétiennes: il n’y a pas de salut sans la croix, il n’y a pas de joie évangélique sans sacrifice. Dans nos vies, nous réalisons cela si souvent: que d’efforts à accepter avant de sortir d’une addiction, que de couleuvres à avaler pour qu’une réconciliation se fasse…


Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre


Le mot du jour : Chandeleur

La chandeleur, fête de la lumière ou fête des chandelles renvoie à la parole de Syméon qui parle de Jésus comme  de la Lumière qui éclaire toutes les nations. Cette fête s’appelle aussi la fête de la rencontre : elle marque en effet la première rencontre entre Jésus et son peuple, représenté par Siméon et Anne» au Temple. Il s'agit aussi d'une rencontre «entre jeuneset anciens»: entre les jeunes Marie et Joseph et les personnes. âgées Siméon et Anne. Cette fête célèbre aussi la présentation de Jésus au Temple, rite religieux que ses parents ont observé comme tous les juifs de son époque.




Prière pour la mission

Dieu notre Père,

Ton Fils Unique Jésus-Christ

Ressuscité d’entre les morts

A confié à Ses disciples Sa mission:

« Allez ! De toutes les nations faites des disciples ». (Mt28,19)

Tu nous rappelles que par le baptême

Nous participons tous à la mission de l’Eglise.

Par le don de Ton Esprit-Saint, accorde-nous la grâce

D’être témoins de l’Evangile,

Courageux et ardents,

Pour que la mission confiée à l’Eglise,

Soit poursuivie en trouvant des expressions nouvelles et efficaces

Qui apportent la vie et la lumière au monde.

Aide-nous à faire en sorte que tous les peuples

Puissent rencontrer l’amour sauveur et la miséricorde

De Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu,

Qui vit et règne avec Toi, dans l’unité du Saint-Esprit,

Maintenant et pour les siècles des siècles.

Amen.


La communauté des Disciples de l’Évangile
Baptisées et envoyées


Nous sommes des religieuses italiennes de l’Institut Disciples de l’Évangile, lié à la spiritualité de Charles de Foucauld. Dans nos Constitutions on explique la signification du nom de notre congrégation, ses finalités et l’esprit de notre fraternité: être à la suite de Jésus Christ et «crier l’Évangile» par la vie d’une manière simple et cachée, selon l’invitation de l’Évangile «allez par le monde entier et proclamez l’Evangile à toute créature» (Mc 16,15). Notre congrégation n’est pas missionnaire au sens strict du terme, mais elle cherche à être au service de la mission de l’Église partout là où nos fraternités sont installées. Se mettre en mouvement pour se donner à l’autre ne demande pas forcement de parcourir beaucoup de kilomètres, il suffit de commencer près de chez soi, dans sa famille et de sortir.

Sortir pour témoigner, en tant que chrétiennes, la bonne parole de l’Évangile, en regardant, en contemplant la réalité où nous vivons avec les yeux et le cœur de Dieu, en se laissant interroger par les besoins et les appels des personnes que nous rencontrons. Ce regard différent nous permet de cueillir, en tout lieu où nous vivons, les richesses et les pauvretés… Bien sûr, les pauvretés sont plus «faciles» à voir, mais il y a beaucoup d’occasions pour découvrir combien de bien et de bonté on donne et on reçoit pendant nos journées, dans les petites attentions quotidiennes, dans des gestes de solidarité. Il est beau et important de se rappeler que, même si le Seigneur nous envoie dans le monde entier, Lui, Il nous précède toujours: c’est notre mission de le reconnaître et d’aider nos sœurs et frères à le reconnaître présent dans la vie de chacun… Voilà ce que nous sommes en train de vivre et découvrir à Marseille depuis le mois d’octobre 2015, quand nous avons fondé une fraternité dans la cité «La Solidarité», dans le 15e arrondissement.

Nous vivons notre mission au milieu de quartiers Nord, hélas seulement célèbres pour leur renommée de violence, de drogue, de pauvreté, de chômage et de décrochage précoce des études. Sans nier ces réalités bien présentes et visibles, il est important pour nous de découvrir et témoigner aussi du bien que nous recevons et partageons, de la solidarité et de l’accueil que nous vivons, des dialogues, des rencontres en ascenseur (nous habitons au 17e étage!) et aussi du bien que nous pouvons bâtir ensemble… avec les personnes de bonne volonté… et il y en a! Vivre ici c’est une façon pour nous de témoigner qu’il n’y a aucune situation, même la plus difficile, où le Seigneur ne soit présent. Comme l’écrit Charles de Foucauld: Dieu a élevé cette vie d’exil mille et mille fois plus en l’embrassant Lui-même dans l’Incarnation, et en y restant à jamais notre compagnon d’exil dans la sainte Eucharistie. Désormais nous ne pouvons plus trouver basse cette existence terrestre que Dieu a rendue belle, sainte et sacrée en vivant 33 ans sur la terre (commentaire Mt1,17).

Dans notre vie quotidienne en cité il est beau de se reconnaître «priantes au milieu de priants», avec une foi différente mais vécue avec une fidélité qui nous interpelle. Dans notre appartement nous avons une pièce qui a été transformé en oratoire pour nous permettre une heure d’adoration silencieuse tous les jours. Charles de Foucauld nous dit que là où il y a un tabernacle, soyons sûrs qu’il n’est pas inactif; tâchons de le conserver, tâchons que celui ou ceux qui le gardent se sanctifient à ses pieds, certains que Jésus ne peut pas être là sans rayonner… (fr. Charles, 15 septembre 1907). C’est pour nous le lieu où nous apprenons à contempler le monde à travers la Parole de Dieu, à travers son regard. Notre fidélité à la prière et celle de nos voisins, ce témoignage de foi réciproque est une occasion pour parler avec eux de tradition musulmane, de Celui qui nous fait vivre et qui donne sens à notre être, qui nous donne le Salut, pour nous connaître les uns les autres avec ce qui nous différencie et avec ce qui nous unit en ce Dieu miséricordieux et Créateur.

En cité, le bailleur a donné un local à la communauté chrétienne et un local à la communauté musulmane pour permettre à chaque confession de célébrer son propre culte. Tous les 15 jours, le samedi soir, une Messe est célébrée dans le local. Mais vu la capacité de ce lieu, qui dispose d’une grande salle, en collaboration avec les prêtres de la paroisse (les Pères blancs), nous avons décidé de l’ouvrir pour d’autres activités au service des habitants de la cité et même plus largement. Une fois par semaine nous proposons des activités aux enfants de l’école primaire, une occasion pour se connaître mutuellement et pour apprendre à jouer ensemble (pas facile pour ceux qui grandissent dans un tel contexte) et nous venons de commencer un atelier de couture pour les femmes comme moyen de rencontre, d’échange et d’apprentissage; tout cela en lien avec les associations déjà présentes dans la cité.

Ce ne sont que de simples gestes, de petites initiatives mais, comme notre Archevêque nous le dit bien, nous ne sommes qu’une Église minoritaire: elle le sera toujours comme le levain qui fait gonfler la pâte. Ce que nous devons craindre, en revanche, c’est que l’Église devienne fade ou triste, éteinte ou repliée sur elle-même. Ce que nous devons craindre, c’est qu’elle ne sache plus coopérer avec l’Esprit Saint, qui est présent partout et qui souffle où il veut.Le dialogue n’est pas toujours facile. Mais le Seigneur nous invite à aller au-delà de nos préjugés et craintes, pour aller à la rencontre de tous comme Il l’a fait… Dieu nous demande de partager gratuitement ce que nous sommes et d’accueillir avec confiance ce que l’autre est, en croyant que nos différences peuvent nous enrichir mutuellement.

Disciples de l’Évangile
Anna, Francesca et Silvia